Modifier la clause bénéficiaire peut se faire sans avertir l’assureur

Thibault Fingonnet
Publié le 19 juin 2025
| Responsable éditorial
Nouvelle jurisprudence sur la modification de la clause bénéficiaire de l'assurance vie

Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 3 avril 2025 indique que la modification de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie doit être acceptée du moment qu’elle correspond bien à la volonté certaine et non équivoque de l’assuré. Et ce, même si l’assureur n’a pas été prévenu préalablement.

Modification de la clause bénéficiaire de l’assurance vie : que dit la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation ?

Les règles encadrant la modification de la clause bénéficiaire d’une assurance vie ont été revues par la Cour de cassation. Explications.

Rappels sur la clause bénéficiaire de l’assurance vie et sa modification

Pour préparer la succession, l’assurance vie reste un outil incontournable. Cela s’explique notamment par le fonctionnement de sa clause bénéficiaire.

En quelques mots, la clause bénéficiaire de l’assurance vie permet au souscripteur de choisir à qui reviendront les fonds placés sur le contrat le jour de son décès. Fait notable, l’assuré n’est pas tenu de suivre l’ordre de la dévolution successorale.

Il peut donc choisir librement les bénéficiaires, ce qui lui permet de favoriser un héritier par exemple. De même, il peut attribuer les fonds à une personne qui n’est pas un héritier réservataire.

Hors succession

L’assurance vie est considérée comme étant “hors succession”. Les sommes peuvent donc être transmises à un tiers sans porter atteinte à la réserve héréditaire, hors cas d’abus sanctionnés par la loi (primes manifestement exagérées notamment).

La liberté associée à la rédaction de la clause bénéficiaire s’illustre également au regard de son évolution. L’assuré peut modifier le contenu de la clause à sa convenance, sans besoin de prévenir les bénéficiaires. Une exception existe cependant lorsque ces derniers ont accepté le bénéfice du contrat.

Dans tous les cas, il est recommandé de rédiger une clause bénéficiaire claire, de façon à ne pas laisser de doute sur l’identité des bénéficiaires. De la sorte, cela facilitera la transmission des fonds aux personnes concernées.

Fiscalité avantageuse

En plus des avantages liés à la clause bénéficiaire, l’assurance vie profite d’une fiscalité favorable à la succession. Un abattement de 152 500 € par bénéficiaire s’applique aux sommes provenant des versements effectués avant les 70 ans du défunt. Pour la part correspondant aux versements réalisés après 70 ans, on retient un autre abattement de 30 500 € à partager entre les bénéficiaires.

Simulateur d'assurance vie à la succession

Réalisez une simulation d'assurance vie et obtenez une estimation du montant pouvant être transmis à vos enfants à la succession

Commencer ma simulation

Ce que dit la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation sur la modification de la clause bénéficiaire

Dans un arrêt n° 23-13.803 daté du 3 avril 2025, la Cour de cassation a procédé à un revirement concernant la jurisprudence encadrant la modification de la clause bénéficiaire.

En substance, les juges écrivent que “l’assuré peut modifier jusqu’à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d’une manière certaine et non équivoque”. Et ce, sans qu’il ne soit requis d’avertir l’assureur du contrat.

Dans de précédents arrêts, la Cour de cassation avait établi une jurisprudence différente. Elle avait affirmé, au travers de deux arrêts rendus en 2019 et 2022, que la modification de la clause bénéficiaire devait obligatoirement être portée à la connaissance de l’assureur pour être valable. Cette précédente jurisprudence est donc désormais obsolète.

En complément, les juges indiquent que la substitution du bénéficiaire “n’est subordonnée à aucune règle de forme”. Le changement peut être effectué à travers différents moyens : testament, lettre recommandée, avenant au contrat, etc.

À noter qu’il n’existe pas de conditions relatives au parallélisme des formes : une clause bénéficiaire rédigée par un moyen donné (testament par exemple) peut être modifiée par un autre (avenant au contrat). Rappelons cependant qu’il est préférable de faciliter la compréhension des parties prenantes quant au contenu de la clause bénéficiaire valide, pour faciliter la transmission des fonds à qui de droit.

Surtout, il reste recommandé d’informer l’assureur de l’existence de la clause bénéficiaire la plus récente. S’il n’est pas nécessaire de lui donner accès au contenu de celle-ci (clause testamentaire par exemple), il pourra s’y référer pour éviter les désagréments ultérieurs, dont pâtiront les bénéficiaires.

Quelles conséquences en cas de versement au mauvais bénéficiaire ?

Compte tenu de l’absence d’obligation d’information de l’assureur quant à la modification de la clause bénéficiaire, la question se pose : que se passe-t-il lorsque les fonds reviennent à la mauvaise personne ?

Il faut distinguer ici deux cas de figure. Lorsque l’assureur a effectué une erreur de bonne foi, n’ayant pas été informé de l’existence d’une clause bénéficiaire valide et plus récente, il ne peut pas être mis en cause.

Dès lors que les fonds ont été transmis au bénéficiaire dont il avait connaissance, il est déchargé de ses obligations. Le bénéficiaire réel doit donc s’adresser directement au bénéficiaire indus pour récupérer l’argent qui lui revient. Ce dernier doit alors rembourser les sommes perçues, puis s’adresser à l’administration fiscale pour obtenir remboursement de l’impôt payé, le cas échéant.

La situation est différente lorsqu’il est déterminé que l’assureur a fait preuve de mauvaise foi dans le traitement de la clause bénéficiaire. La mauvaise foi peut être mise en cause lorsque l’assureur ignore une modification qui a été portée à sa connaissance ou procède à une mauvaise interprétation de la clause par exemple. Elle peut également être retenue si l’état d’incapacité de l’assuré au moment de rédiger ou modifier la clause n’est pas pris en compte.

Dans ce type de situation, c’est à l’assureur de verser les fonds au bénéficiaire établi, quand bien même il a déjà versé les fonds au bénéficiaire indus. Il devra alors réclamer à celui-ci le remboursement des sommes versées. En cas de retard dans le versement au bénéficiaire réel, des intérêts légaux peuvent s’ajouter.

Thibault Fingonnet
Thibault Fingonnet - Responsable éditorial

Thibault Fingonnet est responsable éditorial pour le cabinet de gestion de patrimoine Fortuny.

Les articles similaires

Qu'est-ce que l'arnaque à l'assurance vie ?

Arnaque à l’assurance vie : qu’est-ce que c’est, que faire ?

Placement très apprécié des épargnants français, l’assurance vie n’échappe pas aux tentatives d’escroquerie. Zoom sur l’

Lire l'article Assurance vie
Faut-il déclarer l'assurance vie aux impôts ?

Faut-il déclarer l’assurance vie aux impôts ?

L’assurance vie figure parmi les placements préférés des Français grâce notamment à sa fiscalité avantageuse mais la déc

Lire l'article Assurance vie
En assurance vie, SCPI ou SCI ?

Immobilier en assurance vie : investir en SCPI ou en SCI ?

Pour investir en immobilier dans l'assurance vie, faut-il privilégier les SCPI ou les SCI ? Avantages, inconvénients, co

Lire l'article Assurance vie
Tout savoir sur la clause bénéficiaire à option de l'assurance vie.

La clause bénéficiaire à option de l’assurance vie

Pour attribuer la succession d’un contrat d’assurance vie, la clause bénéficiaire du contrat peut contenir des options,

Lire l'article Assurance vie