Dans un arrêt daté du 2 mai 2024, la Cour de cassation précise son appréciation de la notion de prime manifestement exagérée. Celle-ci peut être invoquée pour réintégrer une assurance vie dans la succession du défunt.
Succession de l’assurance vie : la notion de prime manifestement exagérée
L’assurance vie constitue un placement avantageux en matière de succession. Mais ce traitement de faveur peut être remis en cause en présence de primes manifestement exagérées.
Assurance vie et succession : clause bénéficiaire et fiscalité avantageuse
En matière de succession, les contrats d’assurance vie du défunt bénéficient d’un traitement de faveur. En effet, ils ne figurent pas dans l’actif successoral réparti entre les héritiers et soumis aux droits de succession.
Chaque contrat d’assurance vie comporte une clause bénéficiaire, qui permet au souscripteur de désigner la ou les personnes qui recevront les fonds après son décès. Il peut s’agir du conjoint, des héritiers ou de toute autre personne, avec ou sans lien de parenté. Lorsque les héritiers présomptifs ne sont pas bénéficiaires, ils n’ont en principe pas de recours pour réclamer cet héritage, hors cas d’abus comme les primes manifestement exagérées.
Sur le plan fiscal, les bénéficiaires profitent d’une fiscalité très attractive. Les sommes transmises bénéficient d’abattements puissants :
- 152 500 € par bénéficiaire pour les versements effectués par le souscripteur avant son 70ème anniversaire (taxation à 20 % pour les 700 000 € au-delà, puis 31,25 %) ;
- 30 500 € pour l’ensemble des bénéficiaires pour les primes versées après 70 ans, puis droits de succession au-delà, en sachant que les intérêts produits par ce capital sont entièrement exonérés d’imposition.
La loi encadre toutefois l’utilisation de l’assurance vie comme outil de préparation de la succession, puisque certains abus peuvent entraîner une requalification et la réintégration du contrat dans l’actif successoral. C’est notamment le cas en présence de primes manifestement exagérées.
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Le caractère des primes manifestement exagérées
En quelques mots, on parle de primes manifestement exagérées lorsque le souscripteur a effectué des versements importants sur un ou plusieurs contrats, d’une manière créant des soupçons quant à ses intentions. En effet, si la loi prévoit un régime favorable pour l’assurance vie sur le plan successoral, celui-ci n’a pas vocation à déshériter les héritiers présomptifs ni à contourner abusivement la réglementation fiscale.
La notion de prime manifestement exagérée n’est cependant pas définie clairement par la loi. Au fil du temps, la jurisprudence a permis d’en préciser les contours. Ainsi, les juges peuvent apprécier cette notion selon les faits apportés à leur connaissance, comme :
- Le montant des primes versées ;
- L’utilité du contrat et des versements aux yeux du seul souscripteur ;
- L’âge, l’état de santé et la situation familiale du souscripteur au moment des versements ;
- Les revenus et le patrimoine de l’assuré au moment des versements ;
- Le délai entre les versements et le décès du défunt ;
- L’existence d’une intention frauduleuse ou non, si elle peut être établie.
La Cour de cassation souligne l’importance de la situation patrimoniale du défunt
Dans son arrêt du 2 mai 2024, la Cour de cassation a remis en cause un jugement favorable à un héritier qui dénonçait des primes manifestement exagérées au bénéfice de sa sœur sur le contrat d’assurance vie de leur mère.
Les juges de première et deuxième instance avaient donné raison au plaignant. Pour justifier cette position, la cour d’appel a notamment souligné le niveau de revenus de la mère à la date du premier versement sur le contrat. Ce faisant, elle a négligé la prise en compte du patrimoine immobilier et financier de la défunte selon la Cour de cassation. Or, celui-ci s’avérait de nature à justifier l’investissement effectué par la défunte sur le contrat d’assurance vie.
En complément, la juridiction de dernière instance indique que l’appréciation des différents critères pour évaluer le caractère exagéré ou non des versements s’est concentrée uniquement sur le premier d’entre eux, en ignorant les primes versées plusieurs années plus tard. La Cour de cassation a donc estimé que la base légale sur laquelle s’appuyait la cour d’appel était insuffisante et a cassé le jugement de cette dernière.
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