L’assurance vie est-elle hors succession ?

Benoît Yerle
Actualisé le | Publié initialement le 4 novembre 2025
| Conseiller en gestion de patrimoine
Pourquoi dit-on que l’assurance vie est hors succession ?

En matière de succession, l’assurance vie est généralement présentée comme un placement incontournable pour la préparation de la succession. Et ce, parce qu’elle profite d’un régime d’exception en la matière, sur le plan civil ainsi que fiscal. Néanmoins, le principe de l’assurance vie hors succession peut être remis en cause dans certaines situations.

Pourquoi dit-on que l’assurance vie est hors succession ?

En principe, on considère que l’assurance vie est hors succession. Cela s’entend au sens où les sommes placées sur un contrat d’assurance vie ne sont habituellement pas rapportables à la succession, sur le plan civil ou fiscal.

La notion d’assurance vie hors succession provient de l’article L132-13 du Code des Assurances : “Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ce texte de loi comprend également le paragraphe suivant : “Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

C’est donc sur cette base légale que l’on considère que l’assurance vie se situe hors succession. Il existe néanmoins des situations dans lesquelles ce principe peut être remis en cause (voir plus loin).

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En quoi l’assurance vie se distingue-t-elle en matière de succession ?

L’assurance vie permet à son souscripteur de choisir à qui reviendront les fonds placés sur le contrat. De plus, ce bénéficiaire profite d’une fiscalité plus favorable que les droits de succession.

Sur le plan civil, une liberté de choix du bénéficiaire

Chaque contrat d’assurance vie comprend une clause bénéficiaire. Celle-ci permet à l’assuré de choisir à qui reviendront les sommes placées sur le contrat à la date de son décès.

La rédaction de la clause bénéficiaire est libre. Autrement dit, le souscripteur peut choisir librement l’identité des bénéficiaires : il n’y a pas d’obligation de désigner le conjoint survivant ou les héritiers présomptifs par exemple. Notons également qu’il est possible de modifier la clause bénéficiaire dans le temps, afin de l’adapter aux évolutions de la situation de l’assuré (naissance d’un enfant, divorce, décès d’un bénéficiaire, etc.).

En principe, la succession de l’assurance vie n’est pas prise en compte pour déterminer :

  • La réserve héréditaire, qui revient aux héritiers présomptifs ;
  • La quotité disponible, que le défunt peut attribuer en dehors de la réserve héréditaire.

Sur le plan fiscal, une fiscalité propre, distincte du régime général des droits de succession

L’assurance vie profite d’avantages fiscaux importants à la succession. La transmission des sommes fait l’objet d’abattements conséquents, selon l’âge de l’assuré au moment du versement des primes sur le contrat :

  • 152 500 € par bénéficiaire pour les primes versées avant 70 ans ;
  • 30 500 € à partager entre bénéficiaires pour celles versées après 70 ans.

Après prise en compte des abattements, on applique la fiscalité de l’assurance vie sur la transmission. Là encore, celle-ci diffère selon l’âge de l’assuré au moment des versements :

  • Imposition au taux de 20 % sur 700 000 € transmis après abattement pour les versements actés avant 70 ans, puis relèvement du taux à 31,25 % pour les sommes au-delà du seuil de 700 000 € ;
  • Barème des droits de succession pour les primes versées après 70 ans, avec une exonération totale pour les intérêts produits par ces versements.

Le tableau suivant récapitule l’essentiel à savoir sur la fiscalité de l’assurance vie à la succession :

Versements avant 70 ansVersements après 70 ans
Abattement152 500 € pour chaque bénéficiaire désigné30 500 € à partager entre les bénéficiaires désignés
Imposition du capital après abattementPrélèvement de 20 % sur les 700 000 € suivants (31,25 % au-delà)Barème des droits de succession
Imposition des intérêts après abattementMême traitement fiscal pour le capital et les intérêtsExonération fiscale

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Dans quels cas le principe de l’assurance vie hors succession est-il remis en cause ?

Il existe plusieurs cas de figure dans lesquels l’assurance vie peut être réintégrée à l’actif successoral.

Couples mariés sous le régime de la communauté

Sous un régime matrimonial de la communauté, le sort d’une assurance vie alimentée par les fonds communs s’avère particulier. Et ce, même si elle n’a été souscrite qu’au nom de l’un des époux.

Décès du conjoint assuré

Le décès du conjoint assuré entraîne le dénouement du contrat et la transmission des sommes aux bénéficiaires désignés. Ces sommes provenant de la communauté, compte tenu du régime matrimonial du couple, la situation du conjoint survivant doit être considérée.

Deux cas de figure sont possibles :

  • Le conjoint survivant est désigné bénéficiaire du contrat ;
  • Il n’est pas désigné bénéficiaire.

Dans ce deuxième cas, une récompense est due par les bénéficiaires désignés à la communauté, c’est-à-dire au conjoint survivant. Ainsi, la succession de l’assurance vie produit un effet direct et financier sur l’attribution de la succession globale du défunt. Cela a été confirmé par la Cour de cassation, dans l’arrêt “Daignan”, publié le 10 juillet 1996.

Le montant de la récompense correspond :

  • À la valeur de rachat du contrat à la date du décès ;
  • Ou au montant des primes versées s’il est supérieur.
Clause de préciput

Les couples mariés sous un régime de la communauté peuvent choisir d’attribuer des biens communs au conjoint survivant, dont un contrat d’assurance vie, en utilisant la clause de préciput.

Décès du conjoint qui n’est pas l’assuré

Ici, l’assuré souscripteur reste vivant mais son conjoint décède. Le contrat n’est donc pas dénoué. Les sommes placées sur le contrat provenant de la communauté, le décès du premier conjoint impacte la succession de celui-ci.

Concrètement, dans cette situation, le contrat d’assurance vie constitue un acquêt de la communauté, et non un bien propre du conjoint survivant. La moitié de sa valeur de rachat à la date du décès du premier conjoint doit alors être intégrée dans l’actif de la succession sur le plan civil.

Cette analyse a été établie par la jurisprudence de la Cour de cassation, dans l’arrêt “Praslicka”, du 31 mars 1992.

En revanche, cette particularité n’emporte aucune conséquence fiscale. La réponse ministérielle Ciot de 2016, reprise dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) indique :

Il est désormais admis, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016, que la valeur de rachat d’un contrat d’assurance vie, souscrit avec les deniers communs et non dénoué lors de la liquidation d’une communauté conjugale à la suite du décès de l’un des époux, n’est pas, au plan fiscal, intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ce quelle que soit la qualité des bénéficiaires désignés. Elle ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé.

Cas d’abus manifestes

La loi sanctionne les tentatives d’utilisation abusive de l’assurance vie pouvant contrevenir aux intérêts des héritiers réservataires. On retient particulièrement les cas de :

Les héritiers lésés peuvent se tourner vers la justice pour obtenir la nullité de la clause bénéficiaire. En cas de succès, les sommes sont alors réintégrées à la succession.

Changement de bénéficiaire après 80 ans

Notons que le changement de bénéficiaire d’une assurance vie après 80 ans reste légalement possible.

Lorsque l’assuré renonce explicitement à l’assurance vie hors succession

Techniquement, le souscripteur d’un contrat d’assurance vie peut demander à ce que le contrat soit intégré dans son actif successoral à son décès. La valeur de rachat à la date du décès est alors prise en compte pour le calcul de la réserve héréditaire et celui de la quotité disponible.

Il doit s’agir d’une demande expresse de l’assuré inscrite dans la clause bénéficiaire du contrat.

Benoît Yerle
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Benoît Yerle est conseiller en gestion de patrimoine et associé cofondateur du cabinet Fortuny.

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